« Lettres d’un poète à un voyou » – hommage à Carlos Barrera ARZOLA
Extrait du livre écrit par Jacky-Cohen TANUGI (Betsalel)
« Rapidement je m’aperçus de la rareté de Marcos, ce compagnon constamment en mouvement, inscrit dans une œuvre en création permanente.
Il lisait, écrivait, peignait ou inversement, insatiable.
Ses écrits m’élevaient vers de sphères étranges. Une alchimie de mots déroutants, une créativité qui exprimait une puissance intérieure incommensurable.
Il racontait les peintres, poètes et philosophes, analysant leurs travaux avec le sérieux de celui qui ne triche jamais.
Ayant une faculté de lecture rapide il bouffait tout, que ce soit en espagnol, en anglais ou en français, insatiable; des classiques aux contemporains. Arrivé en France il se familiarisait avec les auteurs tels qu’Arthaud, Genet, Michaux, Labori, Barth, Duras, Levinas, Derrida, Rimbaud, Sartre, Sade, Sarraut, etc.
Chaque jour il descendait en promenade avec une liste impressionnante de mots français issus de ses lectures. Nous en parlions et je les lui traduisais par écrit, la nuit, en inventant des récits pour étayer les multiples sens des mots.
Très vite, je me suis mis à peindre. Tout d’abord, comme un prétexte pour communiquer avec lui, j’apprenais la peinture. Et plus j’apprenais, plus mon langage prenait des formes, des traces, des tâches et des couleurs : un éveil merveilleux auprès de ce poète des formes peintes.
Il me sera difficile de mettre en mots quelqu’un comme Marcos, tout d’abord parce qu’au contraire des autres, il n’évoquait pas, ou peu, le passé. Chaque bribe de son histoire est tombée de la bouche, comme par maladresse ou simplement parce que j’étais là…
Sa voix drainait tant de cailloux que peu de gens le comprenaient. J’adorais jouer son interprète en reformulant ses paroles. On en riait souvent. »